Rapp. Comm. int. Mer Médit., 36,2001
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Introduction
Les études précédentes réalisées dans les eaux côtières libanaises ont
montré que cette eau est riche en espèces mais à des densités relativement
faibles (1 ; 2). L’enrichissement des bassins de pisciculture marine par
l’ajout d’engrais organique peut être considéré comme une solution adé-
quate pour améliorer la production primaire sans augmentation du coût de
production ; il peut favoriser le développement de la biomasse nécessaire
à l’alimentation des larves de poissons. Les recherches sur l’usage des
déchets d’animaux comme fertilisants en aquaculture ont été abordées (3,
4 , 5). L’une des méthodes d’enrichissement est la polyculture qui consis-
te à élever des volailles ou autres animaux autour du bassin d’élevage de
façon que tous les excréments de ces animaux tombent dans l’eau. Il est
plus conseillé de réaliser une telle expérience sur un modèle réduit. Le but
de cette expérience était le choix et l’application de l’engrais organique
dans l’aquaculture car il permet: une utilisation plus efficace de la surface
d’élevage, de telle façon qu’un même endroit pourra servir à la fois pour
l’élevage d’animaux et pour la culture des poissons, un enrichissement du
milieu en matière organique et plus précisément en macro-éléments et
micro-organismes, une réduction du coût de production, étant donné, que
l’engrais organique est relativement à bon prix. En Extrême-Orient, où la
fertilisation des bassins est utilisée avec succès, la variation locale des
doses et des méthodes d’application est immense (6,). 
Matériel et Méthodes
Des tests d’enrichissement ont été réalisés pour pouvoir déterminer la
quantité optimale d’engrais à ajouter. Deux engrais ont été choisis: la fumu-
re d’un herbivore (chèvre) et la fumure d’un omnivore (poule pondeuse).
Une analyse préalable des engrais a été réalisée afin de connaître leur humi-
dité, leur contenu en sels nutritifs et surtout en azote et phosphore. 
Trois différents aquariums ont été placés à l’abri du soleil direct. L’eau
de mer, prise, a été préfiltrée à 200µm pour faire déplacer le microzoo-
plancton. Les dimensions des bassins sont les suivants : 31 x 25 x15 cm.
Pour éviter la turbidité, les engrais ont été mis dans des tulles fermés et pla-
cés au milieu des aquariums. Le bassin I (B1) a été enrichi avec la fumure
de poule à raison de 7kg/100m
2
/semaine (5 ), le bassin II (B II) à raison de
10kg/100m
2
/semaine de fumure de chèvre (7) et le bassin III (BIII),
témoin, contient uniquement de l’eau de mer. L’expérience a commencé le
8/9/1997, considéré comme étant le jour zéro (J0). La fréquence des prélè-
vements, réalisés le matin à la même heure et dans 3 endroits différents,
était journalière les 15 premiers jours pour déterminer la phase de latence,
puis hebdomadaire jusqu’au 30/10/97 et après, mensuelle afin de suivre les
variations quantitatives et qualitatives des populations qui se développent.
La température a été prise directement. La salinité a été mesurée par un
salinomètre Beckman et le pH à l’aide d’un pHmètre modèle Mettler Delta
320. Les sels nutritifs ont été réalisés selon les méthodes classiques ex 
i-
qués par (8) La biomasse phytoplanctonique a été estimée d’après les numé-
rations cellulaires effectuées selon la méthode (9). Selon la densité des cel-
lules, un certain volume d’eau allant de 1cc jusqu’à 100cc a été sédimenté. 
Résultats et discussion
Les variations de la température dans les trois bassins ont présenté toutes
à peu près la même allure et les températures ont varié entre 17°C et 24°C.
Etant donné que l’expérience a été réalisée dans des bassins en verre à
volumes limités, il est normal que les conditions météorologiques in?u 
n-
cent le milieu. L’eau des bassins, prise directement de l’eau de mer, avait le
jour zéro (J0) une salinité de 39‰. Au cours de l’expérience il y a eu une
augmentation progressive de la salinité atteignant 51,277 ‰ due sûrement
à l’évaporation après plusieurs jours d’ensoleillement, bien que la quantité
d’eau prélevée pour l’échantillonnage ait été remplacée par l’eau de mer.
Les valeurs du pH ont varié entre 7,91 et 9,43 dans B I à la fin de l’ex 
é-
rience. Au B III, le pH a augmenté durant la période de pluie. Le B I a pré-
senté une variation du pH à peu près linéaire. Les concentrations des ortho-
phosphates étaient de loin supérieures dans les deux bassins enrichis et
atteignaient des valeurs de l’ordre de 56,25 µatg/l au J6 dans le B II. Au B
III, les valeurs ont diminué pour atteindre des valeurs zéros à partir du J31.
Les concentrations des nitrites étaient relativement faibles aux trois basins
(entre 0 et 0.714µatg/L). L’ajout d’engrais dans B I et B II n’a pas assuré un
apport suffisant de nitrates (maximum 1.57 µatg/L au B II le J31).
D’après les résultats obtenus du plancton, les remarques suivantes peu-
vent être avancées :
1- Le développement cellulaire a été rapide dans les deux premiers bas-
sins (moins de 24h) et a atteint des valeurs relativement supérieures à celles
vées dans le B III. 2) le bassin témoin a présenté une diversité spéci-
fique très marquée (29 espèces contre 8). Il y a eu apparition, déve 
t
et dominance de certaines espèces différentes parfois dans chacun des 3 bas-
sins. Il y a eu succession des populations commencant par des nanophy 
é 
s
petits (max. 10
8
et 10
0
cell./L dans BI et BII), puis nanophycées grands
(max.11 x 10
6
, puis des diatomées, petites (absentes dans B III) puis grandes,
pour finir presque avec les mêmes espèces dans les trois bassins. 3- Certaines
espèces sont apparues seulement dans les bassins enrichis : C 
rataulina s 
.
(max.61 x10
6
à J12 à I), Oxyrrhis marina (max. 19.5 x10
6
au J24 à I) et les
ciliés de différentes tailles (max. 6 X10
6
à J5). 4- Certaines espèces ont abon-
dées seulement au bassin témoin où il n’y a pas eu d’enrichissement :
chia pseudodelicatissima(max. 5 x10
6
cell./L), C 
ro 
s
curvisetus, Ch. sociale, Leptocylindrus danicus, , Rhizosolenia delicatula,
Gonyaulax hyalina. 5-Certaines espèces sont apparues dans les trois bassins
comme C 
rotheca closterium, le chrysophycée Mallomonas sp. surtout
au B III. C. closteriumest présente durant toute l’année sur la côte libanai-
se, surtout en novembre et décembre sans former de grandes densités (1). 6-
Une espèce toxique, le dino?a 
éAmphidinium cartara 
e, présente dans
nos eaux (10), a fait une prolifération importante dans le bassin enrichi de
fumure de poule ( max. 28 x 10
6
à J18). D’autres dino?agellés comme
rotoperidinium sp et H 
rocapsa nieiont fait leur apparition dans le bas-
sin enrichi de fumure de chèvre. L’espèce A 
rasp. s’est développée dans
le bassin enrichi de fumure de chèvre et B III. 7-Les dino?agellés sont omni-
présents dans les 3 bassins tout au long de l’expérience avec des valeurs de
l’ordre 10
0
, 10
8
et 10
6
ivement. 8- Certaines espèces, notées rare-
ment dans le milieu naturel, ont présenté une prolifération importante
comme le tribophycée R 
chloris sp, trouvée dans les deux bassins enri-
chis et le chrysophycée M 
rasp, observé seulement dans le B III,
entre J6 et J31 (maximum 205820 cellules/l). 9- Il faut signaler la présence
de cy 
hycées :Nostoc spumige 
aet Spirulina subselsa. Pour cette der-
nière, nous avons remarqué que les spirales sont devenues de plus en plus
nouées avec l’augmentation de la salinité.
En conclusion générale, et vue la densité cellulaire, le nombre d’espèces
et le développement d’une espèce toxique Amphidinium carterae(max.28
x10
6
cell.L au J18), l’enrichissement avec la fumure de chèvres s’est avéré
meilleur que celui de la fumure de poules dans les conditions de l’expé-
rience réalisée.
Références bibliographiques
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M.L. and Wyatt,T. ed. Xunta de Galcia and Intergovernmental Oceanographic
Commission of UNESCO, P92.
ENRICHISSEMENT D’EAU DE MER PAR DES FERTILISANTS ORGANIQUES 
COMME ESSAIS SUR LA POLYCULTURE (MÉDITERRANÉE ORIENTALE)
Marie Abboud Abi-Saab
1
* et Toni Aoun
2
1
Centre National des Sciences Marines, Batroun, Liban - mabisaab@cnrs.edu.lb
2
Université Saint-Esprit de Kaslik, Faculté des Sciences Agronomiques, Jounieh, Liban.
Résumé
Dans le but d’assurer l’enrichissement des bassins de culture, en utilisant les fumures respectives d’un herbivore comme les chèvres et d’un
ivore comme les poules, une expérience a été réalisée en période de production minimale des eaux côtières libanaises. Des paramètres
hydrologiques, hydrobiologiques et biologiques ont été étudiés selon une certaine stratégie d’échantillonnage. En conclusion générale, et
vue la densité cellulaire, le nombre d’espèces et le développement d’une espèce toxique Amphidinium cartera 
e, l’enrichissement avec la
fumure de chèvres s’est avéré meilleur que celui de la fumure de poules dans les conditions de l’expérience réalisée.
Moys-clés : Basin levantin, phytoplancton, biomasse, bloom toxique, aquaculture.