Rapp. Comm. int. Mer Médit., 37,2004
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PREMIER EXAMEN DÉTAILLÉ DE LA MORPHOLOGIE ET LA STRUCTURE SUPERFICIELLE 
SOUS-MARINE DE LA MARGE OUEST-ALGÉRIENNE: CAMPAGNE MARADJA
J. Déverchère
1*
, K. Yelles
2
, B. Mercier de Lépinay
3
, J-P. Bouillin
4
, V. Gaullier
5
, H. Pauc
5
, B. Savoye
6
, E. Calais
7
A. Domzig
1
, P. Le Roy
1
, R. Bracène
8
, A. Kherroubi
2
1
UMR6538, UBO-IUEM, Place N. Copernic, 29280 Plouzané, France - * jacdev@univ-brest.fr
2
CRAAG, Bouzareah, Alger, Algérie
3
UMR6538 Géosciences Azur, Valbonne, France
4
LGCA, UJF, Grenoble, France5LEGEM, Univ. Perpignan, France
6
IFREMER, Plouzané, France
7
EAS, Univ. Purdue, Etats-Unis
8
SONATRACH, Dpt. Exploration, Boumerdès, Algérie
Résumé
Nous tentons d’apporter des réponses sur l’aléa sismique, gravitaire et de tsunami au large de l’Algérie. Il s’appuie sur l’exploitation d’une
importante base de données bathymétrique, de ré?ectivité, sismique, magnétique, gravimétrique, de sondeur, et de carottages, acquise en
août-septembre 2003 au cours de la campagne MARADJA. Cette mission a notamment couverte la zone de rupture de Boumerdès (21 mai
2003, Mw 6.8). Nous montrons l’existence d’une succession de failles actives sur rampes à pendage sud qui affectent la marge et le bas-
sin et s’associent à un intense diapirisme salifère et à des instabilités sédimentaires.
Mots clés : Risque sismique, failles actives sous-marines, instabilités sédimentaires, géodynamique, Algérie
La campagne MARADJA (“Marge Active Djazaïr”) s’est déroulée du
21 août au 18 septembre 2003 à bord du N/O Le Suroîtde l’IFREMER.
Elle avait été programmée avant le séisme catastrophique de Boumerdès
(21 mai 2003) pour imager les structures actives (failles et glissements)
sur la pente et le bassin ouest-algérien, suite aux nombreux indices de
séismes sous-marins et d’avalanches sous-marines dans ce secteur.
En raison de l’absence de données bathymétriques précises, un pré-
requis à toute évaluation sismotectonique était d’établir une couverture
par multifaisceau type EM300 sur les zones de pente et de pied de marge
des grandes villes côtières. C’est donc l’accès à des données totalement
nouvelles et très importantes du point de vue de l’évaluation du risque
que nous offre l’acquisition réalisée pendant cette campagne. L’équipe
scientifique réunissait plusieurs équipes françaises (Brest, Grenoble,
Nice, Perpignan), leCRAAG (Alger), organisme responsable de la sur-
veillance sismique et de l’évaluation du risque en Algérie, et un repré-
sentant de la société algérienneSonatrach.
Suite au séisme de Boumerdès, les travaux du N/O Le Suroît se sont
d’abord concentrés lors du premier Leg (21 août-3 septembre) à la zone
sous-marine autour d’Alger, en élargissant la zone d’étude initialement
prévue de 3,5°E à 4°E. Nous présentons seulement cette zone d’Alger
ici. Nous avons réalisé une couverture bathymétrique à partir de 25
milles de la côte par des profondeurs d’eau de l’ordre de 2700m, jus-
qu’au rebord du plateau, ce qui a représenté environ 2800 km de profils
(Fig. 1, Tab. 1).
La zone cartographiée révèle plusieurs grands segments de failles
actives, à la géométrie complexe, qui sont des escarpements cumulés de
faille. Deux de ces segments (environ 30 km de longueur chacun) pour-
raient être en relation avec la rupture de Boumerdès du fait de leur posi-
tion par rapport aux répliques et de leur longueur et “fraîcheur”. Cette
première interprétation est confirmée par les profils 6 traces et par 2
grands profils multitraces coupant la faille. Néanmoins, il existe d’autres
structures sur le fond qui sont reliées à des bombements du socle sous
le sel messinien, ainsi que d’étroits ou larges éventails sédimentaires en
amont de ces structures (Fig. 2) qui témoignent de l’existence d’autres
chevauchements aveugles en rampe, à l’origine de ces bassins suspen-
dus, visiblement actifs, qui sont soit des bassins en «piggy-back»
(Fig. 2) soit des systèmes disposés sur des plis en roll-over. Etant donné
la profondeur probable du séisme de Boumerdès (5-10 km), la trace du
déplacement lié au séisme n’est donc peut-être pas détectable en surfa-
ce, ou bien alors passe sur d’autres escarpements plus petits.
Par ailleurs, nous avons identifié de grands canyons sous-marins sur
les pentes, et de nombreuses preuves de glissements gravitaires, dont
notamment des figures de “debris ?ows” et “slumps”. Nous avons aussi
tenté et réussi 4 carottages importants (Fig. 1), qui atteignent 8 mètres
de longueur. Trois carottes (KMDJ01, 02 et 03) ont été prélevées dans
des séries qui résultent vraisemblablement de phénomènes gravitaires
d’accumulation de bas de pente à la sortie de trois canyons, respective-
ment du Sébaou, de l’Isser et de Zemmouri-Alger. La pénétration s’est
arrêtée sur un niveau de vase extrêmement cohésive surmonté par une
ou plusieurs formations de vase plus ?uide vers le sommet. La carotte
KMDJ04, nettement plus au large, a échantillonné une ou plusieurs tur-
bidites: elle recoupe des niveaux alternativement grossiers et fins, appa-
remment rythmés. Elle correspond à une zone d’accumulation dans un
mini-bassin créé par les diapirs de sel.
A l’Ouest d’Alger, l’escarpement de Khair Al Din apparaît comme
étant actif à sa base sur toute sa longueur: on y observe un bourrelet
compressif très net affectant la sédimentation la plus récente. Il s’agit de
la structure active continue la plus importante repérée sur nos données
(environ 100 km de longueur), qui confirme l’importance d’examiner
d’autres secteurs que celui de Boumerdès seul dans ce projet.
Ces résultats préliminaires seront détaillés et mettront en évidence les
relations entre tectonique sensu stricto, tectonique salifère, et phéno-
mènes gravitaires sur pente.
Tableau. Bilan des données acquises au cours de la campagne MARAD-
JA (21 août – 18 septembre 2003).