ETUDE COMPARATIVE DE LA DYNAMIQUE SAISONNIÈRE DES POPULATIONS MICROPLANCTONIQUES
DANS LES EAUX CÔTIÈRES LIBANAISES (BATROUN) ET FRANÇAISES (MARSEILLE)
Marie Abboud-Abi Saab
1*
, Beatrice Beker
2
, Milad Fakhri
1
, Jean-Claude Romano
2
1
Conseil National de la Recherche Scientifique, Centre National des Sciences Marines, 
B.P 543, Batroun, Liban - mabisaab@cnrs.edu.lb
2
Centre d’Océanologie de Marseille, Université de la Méditerranée, 
UMR-CNRS 6540, Station Marine d’Endoume, Rue de la Batterie des Lions, 13007 Marseille, France
Résumé
Des échantillons d’eau ont été collectésentre janvier 2001 et décembre 2002, (au moins mensuellement) en deux points de la Méditerra-
née, l’un dans le bassin oriental (Batroun-Liban) et l’autre dans le bassin occidental (Marseille-France). Les eaux libanaises sont plus
chaudes et plus salées, l’amplitude annuelle de température est supérieure et celle de la salinité est inférieure à celle des eaux françaises.
Le cycle microphytoplanctonique annuel est comparable aux deux sites avec des différences dans le timing des poussées. Les poussées
phytoplanctoniques sont principalement dominées, pour les 2 sites étudiés, par différentes espèces de diatomées. Des différences interan-
nuelles sont notées aux deux sites.
Mots clés: Populations microphytoplanctoniques, côtes libanaises, côtes françaises
Rapp. Comm. int. Mer Médit., 37,2004
259
Introduction
Les études phytoplanctoniques réalisées dans les eaux côtières
françaises méditerranéennes (1; 2) et libanaises (3) sont nombreuses
mais rares sont les études comparatives entre ces différentes zones de
la Méditerranée. C’est pourquoi, à partir de 1999, dans le cadre du
programme de coopération franco-libanais CEDRE, il a été décidé de
mener une étude comparative entre les côtes méditerranéennes liba-
naises et les côtes françaises. Ces deux sites oligotrophes ont l’avan-
tage d’être situés respectivement dans les régions plus chaudes, ou au
contraire les plus froides de la Méditerranée. Les résultats (4) issus de
cette démarche comparative systématique se sont révélés très instruc-
tifs. Le but de cette analyse de deux ans de prélèvements est de com-
parer l’évolution des populations micro-phytoplanctoniques entre ces
2 sites présentant des spécificités écologiques différentes, et d’en
extraire une tendance plus globale. 
Matériel et méthodes
Les mesures ont été réalisées en surface dans deux stations, une
située au large des eaux libanaises (mensuelle) à Batroun (N
34°14.86; E 35°36.07) et l’autre dans les eaux françaises (bimensuel-
le) près de Marseille (N 43°14,30 et E 5°17,30) entre janvier 2001 et
décembre 2002. Un volume de 100 cc est placé en cellules de sédi-
mentation. Les cellules ont été analysées selon la méthode
d’Utermöhl (1958).
Résultats et discussion
Durant la période d’échantillonnage, la température de l’eau a suivi
le cycle normal connu dans chaque région avec des températures
extrêmes variant de 17,4°C à 30°C (
?
T = 12.6°C; m = 23.39±4.43)
au Liban et 12.54 à 23.61°C (
?
T = 11.07°C; m = 17.72±3.03) en
France. La salinité a varié entre 38.867 et 39.652‰ (
?
S = 0.78; m =
39.239±0.226) au Liban et 35.145-38.509‰ (
?
S = 3.364; m = 38.097
±0.213) en France. Nous constatons que les eaux libanaises sont plus
chaudes et plus salées que les eaux françaises, que l’amplitude
annuelle de température est supérieure au Liban et que l’amplitude de
la salinité est inférieure à celle des eaux françaises. Notons qu’à
Batroun la thermocline reste permanente et plus profonde qu’à Mar-
seille où elle disparaît fréquemment en saison chaude lors des refroi-
dissements brusques consécutifs aux vents de NO. Ceci est
principalement dû aux différences entre les régimes de vents domi-
nants sur les deux côtes.
Le suivi quantitatif des populations micro-phytoplanctoniques pré-
sente une poussée printanière importante et une seconde poussée
automnale pour chacun des deux sites. 
Des différences sont notées, d’une part, entre les 2 sites étudiés au
niveau de la date et de l’importance de chaque poussée et d’autre part
chacun des sites présentent des différences interannuelles entre les 2
années de prélèvements. 
En effet, au Liban, l’année 2001 présente une poussée de faible
intensité en avril (21 x 10
3
cell. L
-1
), en juin (28 x 10
3
cell. L
-1
) et une
dernière en août (45 x 10
3
cell.L
-1
). Par contre, en 2002, les eaux liba-
naises ont présenté une poussée printanière importante avec des maxi-
ma en juin et juillet (122 x 10
3
et 119 x 10
3
cell. L
-1 
respectivement)
et une autre en septembre (127 x 10
3
cell. L
-1
). Les eaux méditerra-
néennes françaises ont présenté, en 2001, une poussée du phytoplanc-
ton en mars (65x 10
3
cell. L
-1
) et une autre plus importante en octobre
(122x 10
3
cell. L
-1
). Par contre, en 2002 une poussée importante a été
notée en février-mars (140 x 10
3
cell. L
-1
) sans noter de poussée
automnale comparable à celle de 2001. Il est intéressant de noter que
l’année 2002 était presque deux fois plus pluvieuse par rapport à la
normale. 
Au Liban, ces poussées sont dominées par les diatomées tandis que
les dino?agellés présentent des maxima en juin 2001 (19600 cell. 
L
-1
) et pour l’année 2002, les maxima de dino?agellées apparaissent
en avril-mai (15 044 cell. L
-1
), en juillet et septembre (respectivement
21580 et 20390 cell. L
-1 
). 
En France, pendant la période considérée, les ?oraisons sont égale-
ment dominées par les diatomées, à l’exception de la poussée autom-
nale de 2002 qui était due à des cryptophycées. Les dino?agellés
n’ont jamais dépassé 3000 cellules par litre durant toute la période
considérée; les cuirassées de grande taille sont souvent présents et
diversifiés mais seuls les dino?agellés nus de petite taille ont présen-
té des densités supérieures. 
L’étude qualitative des poussées phytoplanctoniques a permis de
montrer une différence importante concernant la diversité des échan-
tillons au cours de la période d’analyse. Au Liban, les poussées sont
l’œuvre d’espèces telles que Leptocylindrus danicus, L. minimus,
Pseudonitzschia pseudodelicatissima, Chaetoceros curvisetuset Gui-
nardia delicatula. En France, les poussées phytoplanctoniques sont
dominées par des espèces telles quePseudonitzshia delicatissima,
Chaetoceros simplexet Ch. curvisetus. La comparaison des listes ?o-
ristiques montrent que de nombreuses espèces sont communes aux
deux sites, cependant elles diffèrent en abondance et par leur période
d’apparition.
La communauté phytoplanctonique estivale des eaux libanaises est
constituée presque exclusivement des petits dino?agellés nus très
variés (plus de 30 espèces). Durant l’été 2002, les diatomées n’ont
cependant pas disparu du milieu comme l’année précédente. Notons à
titre indicatif que l’analyse des échantillons de filet qui concentre un
grand volume par rapport à la méthode utilisée dans cette étude
montre la présence en été de grands dino?agellés cuirassés, rares et
variés et pour la plupart d’origine indo-pacifique.
En conclusion, le cycle annuel est comparable aux deux sites avec
des différences dans le timing des poussées, dominées par différentes
espèces de diatomées. Des différences interannuelles sont aussi notées
dans les deux sites. Cette étude montre l’importance des suivis à long
terme pour estimer l’évolution du phytoplancton pour chacune des
zones étudiées et la comparaison des 2 sites est nécessaire pour don-
ner aux résultatsune dimension plus globale. 
Références
1-Travers M., 1973. Le microplancton du golfe de Marseille: variations
de la composition systématique et de la densité des populations. Téthys,
5(1): 77-99.
2-Beker B., Romano J.-C., Arlhac D. 2001. Le suivi de la variabilité des
peuplements phytoplanctoniques en milieu marin littoral: le golfe de
Marseille en 1996-1997. Oceanis1999, 25(3): 395-415. 
3-Abboud-Abi Saab M., 1985. Etude quantitative du phytoplancton des
eaux côtières libanaises. Leb. Sci. Bull., 1(2): 197-222.
4-Abboud-Abi Saab M., Romano J.-C., Bensoussan N. et Fakhri M.
(soumise). Suivis temporels comparés de la structure thermique d’eaux
côtières libanaises (Batroun) et françaises (Marseille) entre juin 1999 et
octobre 2002.