APPROCHE GÉNOMIQUE DE L’ÉTUDE DE LA PHYSIOLOGIE 
DE L’ANÉMONE TEMPÉRÉE ANEMONIA VIRIDIS
D. Allemand
1,2
, C. Ferrier-Pagès
1
, E. Kulhanek
1,2
, D. Zoccola
1
, C. Sabourault
2
E. Tambutté
1
, S. Tambutté
1*
, D. Zoccola
1
Centre Scientifique de Monaco, Monaco - * stambutte@centrescientifique.mc
UMR 1112 UNSA-INRA, Faculté des sciences, Parc Valrose, Nice, France
Résumé
La plupart des Cnidaires possèdent des symbiotes intracellulaires photosynthétiques les obligeant à vivre dans la zone côtière où ils sont
soumis aux radiations solaires et aux in?uences anthropiques. Une approche génomique de la régulation de l’expression des gènes d’Ane-
monia viridis,nous a permis de déterminer les mécanismes d’adaptation de cet organisme aux conditions hypoxiques nocturnes. Une
banque soustractive d’ARNm (nuit-jour) et une puce ont été réalisées. Les résultats de l’hybridation entre la puce et des populations
d’ADNc exprimés le jour ou la nuit permettent d’envisager d’utiliser cet outil pour l’étude de la réaction de ces organismes aux différents
stress environnementaux.
Mots clés: génomique – hypoxie – cnidaire - adaptation
Rapp. Comm. int. Mer Médit., 37,2004
471
Introduction
Les Cnidaires constituent un embranchement important d’animaux
marins, appartenant aux Radiaires et considérés comme les premiers
Métazoaires (Eumétazoaires, diploblastes) apparus il y a environ 600
millions d’années. Leur étude présente donc un grand intérêt du point
de vue de l’évolution et de la biologie du développement. De plus, la
plupart de ces organismes vivent en symbiose avec des algues intra-
cellulaires, qui en réalisant la photosynthèse produisent de grandes
quantités d’oxygène durant la journée (60 % de saturation en O
2
des
tissus après seulement 20 minutes d’éclairement). Au contraire,
durant la nuit, la respiration combinée des deux partenaires conduit à
une situation d’hypoxie voire d’anoxie (1). La présence des symbiotes
photosynthétiques oblige ces organismes à vivre dans la zone côtière,
les soumettant ainsi à la fois aux radiations solaires et aux in?uences
anthropiques.
La grande résistance des Cnidaires aux variations d’oxygène et leur
simplicité d’organisation par rapport aux mammifères en font un bon
modèle d’étude afin de mieux comprendre les phénomènes d’adapta-
tion des tissus aux variations d’oxygène. Pour connaître les gènes
impliqués dans la résistance des Cnidaires aux stress oxiques, nous
avons réalisé, sur l’anémone de mer méditerranéenne Anemonia viri-
dis, une banque soustractive entre les ARNm exprimés la nuit et ceux
exprimés le jour. Nous présentons les résultats préliminaires obtenus
à partir de l’exploitation de cette banque.
Matériel et méthodes
Modèle biologique
Notre modèle d’étude, Anemonia viridis, est élevé en aquarium,
dans nos laboratoires, à une température de 17°C ±0,5. Cette anémo-
ne de mer est la plus commune en Méditerranée. Cet Actiniaire, pou-
vant atteindre 15 cm de hauteur, vit sur les fonds rocheux des zones
bien éclairées. La paroi de l’animal est composée de 2 feuillets épithé-
liaux, l’ectoderme et l’endoderme, séparés par une couche acellulaire,
la mésoglée. C’est au niveau de l’endoderme que sont localisées les
zooxanthelles, symbiotes photosynthétiques et intracellulaires, à l’ori-
gine des variations journalières de la concentration en O
2
au sein des
tissus.
Construction d’une banque soustractive
Les anémones sont soumises à un cycle nuit/jour de 12 heures à
l’aide de lampes HQI-TS 400 W (Philips) fournissant une intensité
lumineuse de 250 mmol m
-2
s
-1
. Deux populations d’ARNs ont été
extraites, soit à l’obscurité (ARNs Nuit) soit à la lumière (ARNs
Jour). La banque soustractive a ensuite été réalisée en suivant les ins-
tructions du fournisseur (Clontech PCR-select™cDNA substraction
kit). L’efficacité de la soustraction est analysée par l’amplification
d’un fragment du gène d’actine. La PCR est réalisée soit sur ADNc
total, soit après soustraction et ceci après 18, 23, 28 ou 35 cycles
d’amplification.
Résultats
Préparation et hybridation d’une puce ADN
Environ 1000 fragments d’ADNc issus de cette banque ont été iso-
lés, amplifiés et déposés sur lames de verre. Un contrôle de la qualité
du dépôt a été réalisé par coloration des lames au Vistragreen (Mole-
cular Probes). Les puces ont ensuite été hybridées en utilisant comme
sondes des populations d’ADNc de nuit et de jour marquées avec
deux ?uorochromes différents (CyScribe First-Strand cDNA labelling
kit). Chaque clone de la banque a été déposé en duplicat sur trois blocs
différents de la même lame. Un swap (inversion des marquages) per-
met de corréler l’expression de chaque clone en s’affranchissant de la
qualité du marquage.
Sélection des clones d’intérêt
Une des lames hybridées avec des sondes d’ADNc de jour mar-
quées au Cy3 et de nuit marquées au Cy5 a été analysée. Le gra-
phique représente l’intensité d’hybridation de chaque clone, mesurée 
à 635 nm (Nuit) en fonction de celle mesurée à 532 nm (Jour) 
(Figure1A). Ainsi, des clones situés au-dessus de la droite
[Nuit=Jour] sont surexprimés la nuit. Certains de ces clones sont
ensuite utilisés comme sonde sur northern blot pour valider la surex-
pression des gènes ainsi sélectionnés. Par exemple le clone 12E7 est
3,2 fois plus exprimé la nuit que le jour alors que le contrôle actine est
exprimé de la même façon (logiciel NIH image) (Figure 1B).
Conclusion
La compréhension des mécanismes d’adaptation des organismes
aux variations d’oxygène est un enjeu fondamental et appliqué impor-
tant tant en ce qui concerne l’hypoxie que l’hyperoxie (traitement à
l’oxygène, ischémie - reperfusion, cancérologie...). L’étude d’orga-
nismes simples a souvent été le point de départ vers la découverte de
nouveaux mécanismes, de voies métaboliques ou régulatrices origi-
nales, de protéines ou de gènes non encore caractérisés chez les Ver-
tébrés (œuf d’oursin, C. elegans...). L’étude des Cnidaires, qui cons-
tituent les premiers véritables Métazoaires (Eumétazoaires), est in-
contournable. Ici, nous avons utilisé la particularité que présentent ces
organismes à résister de façon naturelle à l’hypoxie et aux variations
hypoxie / hyperoxie. Les résultats obtenus démontrent la faisabilité
d’utiliser ces organismes pour étudier le transcriptome au cours d’épi-
sode hypoxique naturel. Cette approche expérimentale facilite consi-
dérablement l’étude d’un organisme dont le génome est encore
quasiment inconnu. Ces résultats constituent une première application
de la génomique sur un organisme marin, et permettent d’envisager
d’utiliser cet outil pour l’étude de la réaction de ces organismes aux
différents stress environnementaux.
Références
1-Richier S., Merle P. L. , Furla P., Pigozzi D., Sola F. and Allemand D.,
2003. Characterization of superoxide dismutases in anoxia- and hyperoxia-
tolerant symbiotic cnidarians. Biochimica et Biophysica Acta., 1621: 84–91.