L’objectif principal de la campagne "FaniI" (N/O Le Suroit, Octobre-
Novembre 2000) était de compléter la connaissance du deep-sea fan du
Nil, en étendant vers l’Est et vers l’Ouest la zone explorée précédem-
ment par la campagne "Prismed II" (N/O L’Atalante, 1998). Les
méthodes géophysiques mises en oeuvre étaient globalement les
mêmes, à savoir bathymétrie multifaisceaux, imagerie acoustique, et
sismique multitraces (6 et 24 traces). Environ 8 000 kilomètres de pro-
fils ont ainsi été réalisés. En outre, sept carottes à piston ont été préle-
vées. Cette étude a permis de définir clairement quatre principaux
domaines :
a) Un secteur occidentalcorrespondant aux morphologies et struc-
tures liées au prolongement de la branche Rosetta du Nil. Il a été recon-
nu, de l’amont vers l’aval, depuis le canyon vecteur, jusqu’aux parties
les plus distales du deep-sea fan marqué par ses lobes de dépôt.
Au sein du réseau chenalisé, le chenal situé dans la partie la plus
occidentale apparaît comme le mieux marqué topographiquement et est
par conséquent le plus récent (1). C’est ici que les phénomènes de
migration peuvent être les mieux analysés. Les différents profils sis-
miques multitraces réalisés perpendiculairement à l’ensemble du
réseau chenalisé ont permis de mettre en évidence pour la première fois
la structure sédimentaire de cet appareil détritique profond. Chacun de
ces chenaux principaux dévoile une structure sédimentaire en corps
acoustiques de forme lenticulaire. L’épaisseur de ces lentilles est de
l’ordre 200 à 300 m et chacune d’elle est composée d’un faciès axial
acoustiquement chaotique, témoignant de dépôts turbiditiques chenali-
sés de granulométrie grossière, et de faciès latéraux acoustiquement
stratifiés, correspondant à des matériaux turbiditiques de débordement,
de granulométrie plus fine (dépôts argilo-silteux). Une telle structure
est comparable à celle d’autres deep-sea fans tels que celui de
l’Amazone, du Rhône, de l’Indus ou du Congo. D’autre part, les che-
naux principaux ont subi des phénomènes de migration que l’on peut
suivre à travers la couverture sédimentaire jusqu’à près d’une seconde
d’épaisseur. Certains chenaux ont connu de multiples étapes de migra-
tion (jusqu’à une dizaine), tantôt vers l’Est, et tantôt vers l’Ouest. Enfin
l’imagerie acoustique a permis de cartographier nettement, dans les
régions les plus distales, les lobes de dépôt du deep-sea fan, qui se
manifestent par de très fortes réféctivités, caractérisant des sédiments
grossiers (sables), qui ont pu être prélevés.
Un des caractères les plus frappants de cette couverture sédimentai-
re est l’existence et la présence généralisée de couches, acoustiquement
transparentes ou chaotiques, que l’on peut interpréter comme des cou-
lées de débris ("debris ?ows"). Certaines de ces couches peuvent
atteindre une épaisseur de 700 ms td. Dans ce cas, il n’est pas certain
qu’il s’agisse d’une seule et même coulée. On dénombre plusieurs épi-
sodes de mise en place, la dernière étant d’âge très récent, puisqu’elle
affleure directement sur le fond marin. 
Le secteur sud-ouest de ce domaine chenalisé occidental offre deux
types de fonds révélant des structures observées pour la première fois
dans ce deep-sea fan : 1) dans le secteur amont, à partir de 1800m, la
pente continentale est affectée par d’importants phénomènes d’instabi-
lité sédimentaire, qui se manifestent par une série de failles de crois-
sance, enracinées sur la couche de sel messinien, et générant des glis-
sements de la couverture sédimentaire; 2) Plus en aval, entre ce secteur
et les chenaux du deep-sea fan, le fond sous-marin est parsemé de très
nombreux cratères de dimensions très variables (de 1 km à une ving-
taine de km), résultant probablement de remontées de boue ou de
?uides, associées aux phénomènes de surcharges sédimentaires crées
par l’activité des failles de croissance plus en amont.
b) Un domaine central, caractérisé par la relative rareté des chenaux
profonds, avec, dans sa partie occidentale, des fonds présentant un
aspect fortement irrégulier et chaotique, comportant des blocs volumi-
neux. Il s’agit très certainement de dépôts mis en place par des phéno-
mènes gravitaires de type débris ?ows, s’étendant en direction du
NNW-SSE, sur une longueur d’une cinquantaine de kilomètres et occu-
pant une surface estimée à 3000 km
2
.
L’imagerie correspondante montre qu’à ces zones chaotiques sont
associées des taches fortement ré?e 
ives pouvant être interprétées
comme des évents d’émission de ?uides de type pock marks. Il est pro-
bable que les phénomènes locaux de surpression liés à l’épandage de ces
débris ?ows sont à l’origine de ces remontées de ?uide à travers un
sédiment fortement désorganisé. Quant à l’origine de ces débris ?ow, on
pourrait y voir la conséquence de très importantes déstabilisations gra-
vitaires de la partie supérieure de la pente sous les effets de la surchar-
ge sédimentaire mais et de l’activité sismique. Il est également possible
’ 
nvo 
r, comme facteur de déstabilisation de la marge, des éruptions
gazeuses dans ce secteur particulièrement riche en réservoirs ga 
x
ivement explorés et exploités par l’industrie pétrolière. Rappelons
que plus à l’est, la campagne "Prismed II" avait permis de mettre en év 
i-
dence, dans la région amont, de nombreuses failles de croissance de 100
à 150 m de rejet, qui s'étendent sur un front de près de 200 km de larg 
.
Plus en aval, des rides de sel orientées approximativement N-S, isolent
des bassins probablement remplis de sédiments de nature pélagique,
hémi-pélagique, ou de parties distales de turbidites. 
c) Un secteur oriental,qui contraste nettement avec les deux secteurs
précédents car il est le siège d’une importante activité tectonique qui se
manifeste en surface par de grands accidents linéaires (décrochements
extres) de direction NNW-SSE associés à des grabens transve 
s
(résultats de la campagne Prismed II)(2). Ce réseau d’accidents résulte
des effets combinés d’une tectonique crustale et d’une tectonique sali-
fère liée à la présence d’une épaisse couche salifère sous-jacente. C’est
dans ce secteur que la couverture salifère post-messinienne est la plus
importante. Cette zone accidentée représente très probablement le pro-
longement en mer du rift de Suez, individualisant une micro-plaque
Sinaï. Au sud, de ce secteur la campagne "FaniI" a pu mettre en év 
n-
ce d’importants volcans de boue associés à une intense fracturation per-
mettant des remontées de ?uides. Les images acoustiques de certaines
dépressions, localisées à l’intersection des accidents NNW-SSE et des
grabens transverses, semblent indiquer la présence de lacs de saumure. 
d) Enfin, le domaine situé le plus à l’Est, est caractérisé par la
présence de très longs chenaux, fortement sinueux originaires de la
branche Damietta du Nil. Ces chenaux, d’apparence récente car très
bien préservés, cheminent vers le nord à travers une zone affectée de
plis de direction tansverse, témoignant probablement des eff 
s
compressifs des glissements de la couverture sédimentaire, à
l’approche de la limite d’extension du sel messinien. A l’est du Mont
Erathostène, ce réseau de chenaux nilotiques fusionne avec un autre
système de chenaux méandriformes, plus larges, qui semble provenir
des côtes du Levant. L’ensemble de ce réseau débouche, en y déposant
ses sédiments, dans le bassin sédimentaire situé au large de Chypre.
Références
1- Bellaiche G., Zitter T., Droz L, Gaullier V.., Mart Y.., Mascle J. et
l'équipe scientifique embarquée, 1999, Le cône sous-marin profond du
Nil : principaux résultats de la campagne "Prismed II" du N.O.l'Atalante,
C. R. Acad. Sc. Paris, t. 329, série II a:727-733.
2- Mascle J., Benkhelil J., Bellaiche G., Zitter T.,Woodside J. and
Loncke L., 2000, Marine geologic evidence for a Levantine-Sinai plate, a
new piece of the Mediterranean puzzle, Geology, v. 228, 9: 779-782.
Rapp. Comm. int. Mer Médit., 36,2001
6
LE DEEP-SEA FAN DU NIL : PRINCIPAUX RÉSULTATS DE LA CAMPAGNE "FANIL" 
(N/OLE SUROIT, OCTOBRE-NOVEMBRE 2000)
Bellaiche G. 
1
, Loncke L. 
1
*, Gaullier V.
2
, Mascle J. 
1
, Courp T.
2
, Moreau A. 
1
, Radan S. 
3
et Sardou O. 
1
1
Géociences Azur, Observatoire Océanologique de Villefranche,Villefranche/Mer, France - loncke@obs-vlfr.fr
2
Laboratoire de Sédimentologie Marine, Univ. de Perpignan, Perpignan, France 
3
Institut GéoEcoMar, Bucarest, Roumanie.
Résumé
La campagne Fanil a permis de distinguer dans le deep-sea fan du Nil les principaux domaines suivants: un secteur occidental, siège de
failles de croissances et de volcans de boue; le système canyons-chenaux-lobes de dépôt y a été entièrement cartographié; un secteur cen-
tral, siège de débris ?ows associés à des remontées de ?uides; un secteur oriental, fortement accidenté (tectonique crustale et salifère) au
sein duquel des volcans de boue sont associés à des remontées de ?uides; enfin, un secteur "levantin", où chenaux nilotiques et d’origine
levantine s’anastomosent avant de se jeter dans le bassin sud chypriote.
Mots clés : Nil- Deep-sea fan- Failles de croissances- Chenaux - Volcans de boue- Fluides.