Rapp. Comm. int. Mer Médit., 36,2001
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Ces dernières années, le littoral algérien est soumis à une urbanisation
et une industrialisation intenses, touchant essentiellement les baies et
golfes. Les eaux usées urbaines et industrielles arrivent directement (émis-
saires urbains) ou indirectement (oueds) sur les fonds côtiers des sables
fins (0 à -25m) colonisés par un peuplement macrobenthique spécifique.
Ces ?ux d’eaux usées ne sont pas sans conséquences sur ce peuplement.
Les investigations sur les fonds meubles de la côte algérienne ont permis
de localiser, d’identifier et de caractériser ce peuplement des SF; une atten-
tion particulière est accordée aux baies d’Alger, Bou Ismaïl et au golfe de
Jijel. L’analyse des richesses spécifique et numérique du peuplement des
SF et particulièrement de l’un de ses compartiments, les Amphipodes, per-
met d’évaluer l’impact des activités humaines sur ces fonds côtiers.
L’analyse de la diversité, la dominance et la fréquence des Amphipodes du
peuplement des SF constitue un outil fort appréciable pour l’évaluation de
l’état d’un milieu (1). 
Matériels et méthodes 
Milieu : La baie d’Alger et son arrière-pays sont les secteurs les plus urba-
nisés et industrialisés d’Algérie: 12% de la population soit environ 3.5
Millions d’habitants et 22% des activités industrielles. Les eaux usées de
la région algéroise sont drainées vers la mer par de nombreux émissaires et
deux oueds (El Harrach et Hamiz). Dans cette baie, la population et les
industries sont concentrées dans le secteur Ouest, et beaucoup moindre
dans le secteur Est : existence d’un gradient de pollution décroissant
d’Ouest en Est. Le peuplement des SF occupant les fonds de 0 à -25m est
soumis aux pollutions urbaines et industrielles. La baie de Bou Ismaïl est
très faiblement urbanisée et non industrialisée : région à vocation agricole.
Le golfe de Jijel est une des rares régions naturelles d'Algérie: urbanisation
très faible, industrie inexistante. 
Echantillonnage : Quatre stations (-10m) en baie d’Alger ont été retenues:
la station 1 dans le secteur Ouest, le plus affecté par la pollution, la station
4 dans le secteur Est, le moins pollué, et les stations 2 et 3 dans le secteurs
Centre, secteur intermédiaire entre les deux précédents. A chaque station,
1m
2
est prélevé avec une benne Van Veen mensuellement de novembre
1984 à octobre 1985, puis par saison de décembre 1985 à septembre 1986.
Pour Bou Ismaïl (août 1988- 10 stations) et Jijel (juillet 1986- 19 stations),
les prélèvements (0.5m
2
) sur les fonds de sables fins (-8 à –25m) sont réa-
lisés avec une benne Van Veen. Le sédiment est tamisé sur maille de 1mm.
Méthodes : Pour le traitement des données et leur expression, les indices
retenus sont : la diversité des Amphipodes au sein du peuplement et son
expression en pourcentage par rapport à la diversité totale, la dominance
des Amphipodes, et leur présence dans le cortège des espèces principales
du peuplement, la fréquence (F): espèces constantes (F=100%) ; espèces
très communes (75 
=
F<100%); espèces communes (50 
=
F<75%) ;
espèces peu communes (25 
=
F<50%) ; espèces rares F<25%; espèces épi-
sodiques (espèces récoltées une seule fois).
Résultats
Baie d’Alger : La diversité des Amphipodes est presque identique aux sta-
tions 1,2 et 3 respectivement 19, 20 et 21 espèces, diversité remarquable à
la station 4 :36 espèces. La représentativité des Amphipodes au sein de la
iversité totale du peuplement se caractérise par des valeurs croissantes de
la station 1 vers la station 4 : valeurs très proches aux stations 1 et 2 (9.01
et 9.94%), valeurs légèrement supérieure à la station 3 (10.77%) et nette-
ment élevée à la station 4 (14.94%). Sur le plan quantitatif, la station 2 se
distingue par une faible densité (18 ind./m
2
), appréciables et très proches:
38, 40 et 47 ind./m
2
pour respectivement les stations 1, 3 et 4. La dominan-
ce des Amphipodes est minimale à la station 2 (1.29%), et maximale aux
stations 3 et 4 (3.54 et 3.35%), intermédiaire à la station 1, (2.88%). La
é 
ivité numérique des Amphipodes faible ou très faible se répercu-
te sur la composition du cortège des espèces principales du peuplement:
aucun Amphipode espèce principale aux stations 1 et 2, Pa 
bus typicus
f. armataseul Amphipode dans le cortège des stations 3 et 4, présence bien
modeste au vu de ses dominances: 2.27% à la station 3 et 1.34% à la sta-
n4. Les Amphipodes se caractérisent par leur rareté dans le temps aux
stations, qui s’atténue de la station 1 vers la station 4 : 80% des A 
s
espèces rares ou épisodiques à la station 1, 69.44% à la station 4, 68.42% et
71.42% pour respectivement les stations 2 et 3. Aucun Amphipode n’est
espèce constante à A 
r. Pa 
bus typicus f. armataest espèce très com-
mune aux stations 3 et 4, ou espèce commune aux stations 1 et 2. Les
espèces communes sont Atylus swammerd 
ià la station 1, Ampelisca spi-
saux stations 3 et 4, et A. sars 
ià la station 4. Les espèces peu com-
munes sont deux à la station 1, 4 ou 5 aux stations 2, 3 et 4.
Baie de Bou Ismaïl : 39 Amphipodes sont recensés dans le peuplement des
SF (17.81% de la diversité totale). Leur densité, 183 ind./m
2
, correspond à
une dominance de 21.5%. Dans le cortège des espèces principales, existent
quatre Amphipodes : Urothoë brevicornis, U. poseïdonis, U. grimaldii,
Ampelisca brev 
s, ayant une dominance cumulée de 11.49%.
Ampelisca brevicorniset Lembos spiniventrissont des espèces communes,
Ampelisca diadema, A. sarsi, Urothoë poseïdonis, U. grimaldii,
Siphonoecetes dellavallei, Lembos angularis et Phtisica marinad 
s
espèces peu communes ; 77% des Amphipodes sont des espèces rares ou
épisodiques. 
Golfe de Jijel : Les 30 Amphipodes du peuplement des SF représentent
20.98% de la diversité totale, pour une densité de 373 ind./m
2
soit une
dominance de 52.57%. La moitié des espèces principales sont des
Amphipodes:Ampelisca brevicornis(espèce leader), A. spinipes, A. sarsi,
A. diadema, Lembos spiniventris, Urothoë poseïdonis, U. brevicornis,
ayant une dominance cumulée de 49.98%. Les Amphipodes sont fréquents
dans le peuplement : espèces très communes Ampelisca brevicorniset
Urothoë poseïdonis, espèces communes Lembos spiniventris, Ampelisca
sarsi, Urothoë brevicornis, espèces rares ou épisodiques 76.66% des
Amphipodes.
Discussion - Conclusion
Les populations d'Amphipodes du peuplement des SF d'Alger, Bou
Ismaïl et Jijel par leurs caractéristiques qualitatives et quantitatives re?è-
tent l'impact des activités humaines sur le milieu marin: la représentativité
des Amphipodes au sein de la diversité totale augmente d'Ouest en Est en
baie d'Alger en relation avec la réduction de la pollution, représentativité
minimale en baie d'Alger, maximale pour Jijel (milieu naturel) ou élevée
pour Bou- Ismaïl (milieu à pollution négligeable); il y a absence
d'Amphipodes dans le cortège des espèces principales pour les secteurs
fortement pollués (stations 1 et 2), présence minimale dans les zones pol-
luées (station 3 et 4), maximale dans la zone naturelle comme Jijel (moitié
des espèces principales) et Bou Ismaïl; la dominance des Amphipodes est
maximale (moitié des effectifs) à Jijel, ou élevée (quart des effectifs) à Bou
Ismaïl, minimale à Alger (<3.6%) avec une augmentation d'Ouest en Est
(gradient de pollution décroissant); les fréquences des Amphipodes sont
maximales pour les régions de Jijel et Bou Ismaïl, minimales en baie
A l 
g e 
r. La comparaison des caractéristiques des populations
d’Amphipodes du peuplement des SF des baies d'Alger, Bou Ismaïl et du
golfe de Jijel, révèle une relation étroite entre ces indices et le degré de pol-
lution du milieu. La raréfaction ou la grande diversité des Amphipodes sont
autant d'informations sur la qualité du milieu. Ces constatations sont en
accord avec les observations effectuées en d'autres aires soumises à pollu-
tion (2 et 3). De nombreuses études ont montré la sensibilité des
Amphipodes (1) . Cette sensibilité signalée par certains auteurs (2 et 3), fait
d’eux d'excellents indicateurs biologiques, caractère que leur mode de
reproduction direct, l'insularité de leur population (3) renforcent.
References 
1- Conlan K.E., 1994. Amphipod crustaceans and environmental disturbance :
a review.Journal of Natural History, 28 :519- 554.
2 - Bellan- Santini D., 1980. Relationship between populations of Amphipods
and pollution. Mar. Pollut. Bull., 11 :224 – 227 
3 - Dauvin J.C., 1987. Evolution à long terme (1978-1986) des populations
d’Amphipodes des sables fins de la Pierre Noire (Baie de Morlaix, Manche
occid.) après la catastrophe de l’Amoco Cadiz.Mar. 
Envir.Res.21 :247- 273.
AMPHIPODES DES SABLES FINS ET POLLUTION SUR LA CÔTE ALGÉRIENNE
Bakalem A.
ISMAL, Sidi- Fredj , Staoueli , Alger,Algérie
Résumé
L’étude des Amphipodes du peuplement des sables fins (SF) des baies d’Alger, Bou Ismaïl et du golfe de Jijel, a été abordée par la diver-
sité et l’abondance. En considérant l’urbanisation, l’industrialisation, le ?ux des eaux usées, la baie d’Alger est une zone polluée, tandis
qu’en baie de Bou Ismaïl la pollution est négligeable; le golfe de Jijel est une zone naturelle. La diversité, particulièrement la représenta-
tivité spécifique, révèle une relation étroite entre les populations d’Amphipodes et le degré de pollution du milieu, relation mise en évi-
dence par la densité, la dominance et la fréquence. La présence ou l’absence des Amphipodes dans le cortège des espèces principales, et
leur dominance, sont des éléments révélateurs de la qualité du milieu. Il apparaît à travers les analyses des populations d’Amphipodes que
la baie d’Alger est la plus polluée, avec existence d’un gradient de pollution décroissant d’Ouest en Est, le golfe de Jijel indemne de toute
perturbation et la baie de Bou Ismaïl très proche d’un milieu naturel.
Mots clés : Amphipodes, pollution, peuplement des sables fins, Algérie.