Rapp. Comm. int. Mer Médit., 36,2001

371

Malgré leur remplacement par des marqueurs génétiques de plus en plus

performants, les caractères morphologiques sont toujours employés pour

déterminer la dive 

rgence génique des poissons. Que ce soit en pêche ou dans

une perspective d’élevage, l’identification de stocks différents au sein d'une

espèce est un préalable important à la connaissance de la structure et de la

biologie des populations.  La daurade Sparus aura 

t 

aest une espèce d’un

grand intérêt halieutique et aquacole. Si la dynamique de ses populations et

d 

i 

fférents aspects de sa biologie ont été étudiés dans différents milieux (1

2,3), sa morphologie n'a été que récemment abordée (4,5). L’objectif de ce

t 

r 

avail est de comparer sa morphologie, sur la base de critères morphomé-

triques et méristiques, entre le Golfe d’Annaba et la lagune du Mellah.

Matériel et méthodes

Les échantillons traités proviennent de deux milieux différents: le golfe

d’Annaba (36°54'N, 7°45'E) et la lagune du Mellah (36°50'N, 7°48'E). Ils

sont composés respectivement de 167 et 95 individus, de longueurs totales

comprises entre 175 et 352 mm pour le premier et entre 157 et 550 mm

pour le second. Sur chaque individu, 13 caractères métriques et 3 carac-

tères numériques sont considérés. Les différentes parties mesurées du

corps sont exprimées en fonction de la longueur totale ou de la longueur de

la tête. Afin de mettre de manière plus expressive les changements relatifs

de ces dimensions au cours de la croissance, nous avons utilisé l’axe

majeur réduit préconisé par Teissier (6) pour les études d’allométrie. Le

test de conformité de cet axe nous permet de décider du type d'allométrie.

Dans le but de déceler une éventuelle différence morphologique entre les

deux groupes marin et lagunaire, nous avons comparé, pour chaque caractè-

re, les équations des droites de régression entre les deux milieux, en utilisant

le test t de Student adapté aux axes majeurs réduits "tpe" (7).Chaque carac-

tère numérique utilisé est comparé entre les deux échantillons à l’aide du

test "t" de Student au seuil de probabilité a = 0,001. Lorsqu’il y a une dif-

férence entre les deux échantillons, nous avons calculé le coefficient de

différence (C.D) de Mayr, Linsley, Usinger (8) pour connaître leur niveau

taxonomique respectif. 

-

X

a

–

-

X

b

C.D = ---------------------------

[S

a2

/Na + S

b2

/N

b

]

1/2

Lorsque 75 % des individus d’une population diffèrent par un ou plu-

sieurs caractères de 75 % des individus d’une autre population, C.D > 0.67,

on est en présence de différences raciales entre ces deux populations.

Lorsque 75% des individus d’une population différent de 97% de ceux

d’une autre population, C.D > 1.28, ces deux populations diffèrent sub-

spécifiquement.

Résultats et discussion

Les résultats du tableau 1 montrent que les cas de croissance allomé-

trique majorante sont aussi fréquents dans l'échantillon marin que dans

celui d'origine lagunaire. Cependant, cette situation ne concerne pas tou-

jours les mêmes caractères dans les deux cas. La comparaison des pentes

des droites de régression indique que la moitié des caractères considérés

permettent de distinguer les poissons marins des individus lagunaires. Il

s'agit des longueurs à la fourche, céphalique, pré-orbitaire, pré-dorsale,

pré-pectorale, de la hauteur du pédoncule caudal et du diamètre de l'œil. La

daurade marine aurait, à taille égale, une forme plus effilée que celle vivant

dans la lagune, avec une longueur à la fourche et une tête plus longues; en

revanche, son œil serait plus petit. Par ailleurs, les paramètres mesurés dont

la pente de la droite de régression est identique entre les deux échantillons,

présentent tous une différence de position. Concernant les caractères

numériques (tableau 2), seul le nombre de branchiospines montre des dif-

férences significatives entre les deux biotopes (t > 3,29; 

a

= 0,001), mais

le calcul du coefficient de différence correspondant indique que les diffé-

rences constatées n'atteignent pas le niveau racial. (C.D < 0,67). Si les

caractères numériques pris en compte n'ont pas permis de distinguer les

deux échantillons, tous les critères métriques considérés montrent l'ex 

i 

s 

t 

e 

n-

ce de deux morphotypes de daurade, marin et lagunaire. Une étude similai-

re réalisée chez le loup D 

i 

c 

e 

n 

t 

ra 

rchus labra 

xdans ces mêmes milieux a

aboutit à la même conclusion (9). La question qui se pose maintenant est de

s 

avoir si cette différence est de nature adaptative, pouvant être expliquée par

des facteurs environnementaux, ou serait-elle le re?et d'une diff 

é 

r 

e 

n 

c 

i 

a 

t 

i 

o 

n

liée à la dive 

rgence génétique.

Références 

1- Lasserre G., 1974. Dynamique des populations ichtyologiques lagunaires.

Application à Sparus aurata.Thèse de Doctorat. U.S.T.L., Montpellier. 306p. 

2- Mosconi P. et Chauvet C., 1990. Variabilité spatio-temporelle de la croissance

des juvéniles de Sparus aurataentre les zones lagunaires et marines du golfe du

Lion. Vie Milieu, 40(4): 305-311 .

3- Kraljevi M. and Dul J., 1997. Age and growth of gilt-head sea bream (Sparus

aurata) in the Mirna Estuary, Northern Adriatic. Fish. Research., 31(3): 249-255.

4- Palma J., Andrade J. P., Paspastis M., Divanach P. and Kentouri M., 1998.

Morphometric characters in gilthead sea bream, Sparus aurata, red porgy,Pagrus

pagrusand their hybrids. Ital. J. Zool., 65 (suppl.): 435-439.

5- LoyA., Boglione C. and Cataudella S., 1999. Geometric morphometrics and

morpho-anatomy: a combined tool in the study of sea bream (Sparus aurata, spa-

ridae) shape. J.Appl. Ichthyol., 15(3): 104-110.

6- Teissier G., 1948. La relation d'allométrie: sa signification statistique et biolo-

gique. Biometrics, 4: 14-53.

7- Mayrat A., 1959. Nouvelle méthode pour l'étude comparée d'une croissance

relative dans deux échantillons. Application à la carapace de Penaeus kerathurus

(Forskal). Bull. I.F.A.N., XXI, série A: 1.

8- Gérry J., 1962. Le problème de la sous-espèce et de sa définition statistique. A

propos du coefficient de Mayr-Linsley-Usinger.Vie et Milieu, 13(3): 521-541.

9- Kara M. H. et Fréhi H., 1997. Etude biométrique du loup Dicentrarchus

labrax du golfe d'Annaba. Différenciation d'une population lagunaire voisine.

J. Rech. Océanogr., 22(2): 45-50.

DIFFERENCIATION MORPHOLOGIQUE DE DEUX POPULATIONS MARINE ET LAGUNAIRE

DE DAURADESPARUS AURATA(LINNE, 1758) 

Chaoui L.

1

*, Quignard J. P.

2

et Kara M. H.

1

1

Faculté des Sciences. Département des Sciences de la Mer, Université Badji Mokhtar,Annaba, Algérie - chaouilamya@hotmail.com

2

Laboratoire d'Ichtyologie, Université Montpellier II, France

Résumé

Cette étude est consacrée à la différenciation morphologique de deux échantillons de daurade Sparus aurataissus de deux milieux

différents du littoral Est algérien: le Golfe d'Annaba et la lagune voisine du Mellah. Les résultats obtenus montrent l'existence de deux

morphotypes qui se distinguent surtout par leurs caractères métriques.

Mots clés: poissons, morphologie, lagune, Méditerranée

FonctionMer

Lagune

tpetpo

a

= 0,001

a

=

0,001

Lf = f (Lt)Lf = 2,28 Lt – 3,05Lf = 1,02 Lt – 0,098,75*

Ls = f (Lt)Ls = 1,07 Lt – 0,26Ls = 1,02 Lt – 0,171,1418,71*

Lc = f (Lt)Lc = 2,28 Lt – 3,63Lc = 1,22 Lt – 1,208,68*

Do = f (Lc)Do = 0,51 Lc + 0,27Do = 0,87 Lc – 0,324,61*

Po = f (Lc)Po = 0,73 Lc – 0,07Po = 1,38 Lc – 1,255,00*

po = f (Lc)po = 0,67 Lc – 0,15po = 0,87 Lc – 1,412,8215,44*

M = f (Lc)M = 0,82 Lc – 0,20M = 0,97 Lc – 0,371,9423,43*

Pd = f (Lt)Pd = 1,5 Lt – 1,97Pd = 1,25 Lt – 1,294,62*

Pp = f (Lt)Pp = 1,31 Lt – 1,34Pp = 1,00 Lt – 0,638,78*

pp = f (Lt)pp = 1,26 Lt – 0,91pp = 1,17 Lt – 0,741,2027,17*

Pa = f (Lt)Pa = 1,24 Lt – 0,88Pa = 1,17 Lt – 0,721,0218,74*

Hpc = f (Lt)Hpc = 1,39 Lt – 2,05

Hpc = 1,14 Lt – 1,44

Lt: longueur totale; Lf: longueur à la fourche caudale; Lc: longueur

céphalique; Do: Diamètre de l'œil; Po: longueur pré-orbitaire; po:

longueur post-orbitaire; M: longueur du maxillaire supérieur; Pd:

longueur pré-dorsale; Pp: longueur pré-pectorale; pp: longueur post-

pectorale; Pa: longueur pré-anale; Hpc: hauteur du pédoncule caudal;

Tableau 1. Comparaison de la pente et de la position des droites de

régression chez S.aurataen fonction de son origine marine ou

N.R.D.D.

N.R.M.D.

N.B.

MerLaguneMerLaguneMer

Lagune

Moyenne1110,9013,2912,941211,19

Ecart type00,380,520,801,221,77

Mode

111113131112

Minimum11912896

Maximum111214141514

t (

a

= 0,001)

1,56

3,27

Tableau 2. Comparaison de quelques caractères numériques de S.

aurata en fonction de son origine marine ou lagunaire (*: différence

N.R.D.D: nombre de rayons durs de la nageoire dorsale; N.R.M.D: nombre

de rayons mous de la nageoire dorsale; N.B: nombre de branchiospines