Rapp. Comm. int. Mer Médit., 36,2001
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Le lac Ichkeul, lagune la plus septentrionale de la Tunisie, couvre en
moyenne 8500ha. Ce lac fait partie du Parc National de l’Ichkeul. Cet
écosystème couvre une superficie de 12600ha. Il est situé entre 37°10’N
et 9°40’E. En fait, la partie sud du lac, entourée par des marais et d’un
jebel, reçoit dans sa partie amont les eaux douces de six oueds. Le lac
Ichkeul communique avec le lac de Bizerte par l’intermédiaire d’un canal
sinueux, l’oued Tinja. Il est ainsi classé dans la catégorie des lagunes de
deuxième ligne (Fig.1). 
Les particularités les plus importantes de cet écosystème sont i : apport
en eau douce par les oueds, ii : exploitation halieutique au niveau du lac,
iii : présence d’une écluse à la partie amont de l’oued Tinja, vi : milieu
recherché par le peuplement d’oiseaux aquatiques phytophages. Cette
situation justifie son classement au niveau du Patrimoine Mondial de la
Nature. Les douze dernières années ont été marquées par trois périodes
de sécheresse. La position duLac Ichkeul aux confins de deux aires conti-
nentales et marines le soumet à une succession de séquences écologiques
antagonistes se décomposant en phase "lac-oued" oligohaline en saison
pluvieuse et phase "lagune" euryhaline en saison sèche. Ce qui se traduit
par des écarts de température (5-32°C), de salinité (5-45g/l), de teneurs
élevés en oxygène (3-10mg/l) et de variations importantes de sels nutri-
tifs (Nitrates : 1-2,44mg/l, Phosphate total : 0.008- 9.67mg/l). Ces fac-
teurs limitants ainsi que la faible profondeur du lac (2m) restreignent le
peuplement ?oristique et faunistique aux espèces les plus tolérantes de
l’étage infralittoral supérieur (1).
re 
.Le phytoplancton est représenté par des Diatomées centriques et de
hycées. Le Phytobenthos est représenté par Po 
ogeton pectina-
set de Zoostères.Zoobenthos: les Biva 
ves (C 
ratoderma glaucum et
Arba tenuis) et les Polychètes(N 
reis divers 
r) sont les plus dominants.
Faune ornithologique. L’herbier de Pomatogeton fait du lac, en saison
pluvieuse, un refuge d’hivernage pour un grand nombre d’oiseaux aqua-
tiques migrateurs phytophages (évalué à 187732 individus) appartenant à
42 espèces (2). Les espèces les mieux représentées sont le Canard sif-
?eur(Anas penelope), le moulin (Aythyra ferina), la foulque macroule
(Fulica atra) et l’oie cendrée  (Anser anser).
Faune ichthyque. 22 familles ichthyques ont été signalées dans le lac
Ichkeul. Elles sont d’origine marine et continentale; on peut  les classer
en trois groupes : les premiers migrateurs marins sont fortement eury-
thermes et euryhalines, appartenant essentiellement aux familles des
Mugilidés (Mugil cephaluset Liza ra 
a), des Anguillidés, des
Clupeidés et des Moronidés. Le deuxième groupe est caractérisé par
des espèces d’eau douce (Barbus callensis, Gambusia affiniset
Pseudophoxinus callinsis); le troisième groupe est représentés  par des
espèces sédentaires saumâtres (Atherina boyeri, Hyporamphus picari,
Belone belone). Malgré les contraintes qui pèsent sur l’écosystème de
l’Ichkeul, les poissons semblent évoluer dans un espace productif. En
effet, la condition des espèces marines et potamiques observées dans
le lac Ichkeul et ailleurs le confirme (tableau 1).
Au niveau de cet écosystème, l’exploitation halieutique est assurée
par l’utilisation de trois types d’engins : les bordigues, installées en
travers de l’oued Tinja, permettent la capture des Mugilidés; les capét-
chades, installées dans divers points du lac, sont destinées à la captu-
re des anguilles. Les filets trémails sont utilisés à l'intérieur du lac. Le
suivi de la production sur une période de douze ans (1987-1990)
montre que les moyennes calculées toutes les quatre ans (tableau 2) au
niveau de la bordigue et à l'intérieur du lac ont subi une baisse de 22%
durant les années 1991-1994 par rapport à la période 1987-1990. Cette
situation s'est maintenue à un niveau moyen de 94 tonnes/an. Par
contre, la production de l'anguille n'a cessé de diminuer au cours de
cette même période; de 1991 à 1994, la production moyenne annuelle
a baissé de 40,85% par rapport à la période précédente (1987-1990).
De même pour la période 1995-1998, la baisse de la production
moyenne annuelle a atteint 63,8% par rapport à celle 1991-1994. La
tendance à la baisse de la moyenne de la production totale (32% et
28.7%) pourrait être expliquée par des changements environnemen-
taux au niveau de l'écosystème, dus aussi bien aux variations clima-
tiques qu'aux actions anthropologiques et par la surexploitation de
l'anguille ainsi que les faibles recrutements ces dernières années.
Références
1. Zaouali J., 1975. Contribution à l'étude écologique du lac Ichkeul.Bull.
Inst. Sci. Tech. Océan. Pêche.Tunis, 4 (1): 115-124.
2. Anonyme, 1997. Le Parc National de l'Ichkeul. Suivi de l'Etat des
Ecosystèmes 1995-1997. ANPE, Tunisie. 30 pages.
3. Bouain, A. 1977. Contribution à l'étude morphologique, anatomique et bio-
logique de 3éme cycle. Biologie marine. Uni. Tunis. 109 pages.
4. Anonyme, 2000. Etude biologique de la sole Solea aegyptiaca. Résultats du
PNM: Evaluation des ressources benthiques, INSTM, Tunisie.
5. Kraiem M. M.1994. Systèmatique. Biogéographie et Bioécologie de Barbus
callensisValentiennes. 1842 (Poisson. Cyprinidae) Univ.Tunis. Thèse de
Doctorat d'Etat ès Sciences Biologiques. Uni. Tunis II, 227 pages.
6. Kraiem M. M.1995. Etude comparée de la croissance de Mugil cephalus et
de Liza ramada dans le golfe de Tunis et dans le barrage de Sidi Salem.
Comm. 8èmes Journées biologiques, STCB, Aïn Draham, Tunisie. 1 page.
PARTICULARITÉ ÉCOLOGIQUE ET NIVEAU DE PRODUCTION D’UNE LAGUNE TUNISIENNE :
LE LAC ICHKEUL
Rafika Fehri-Bedoui, Houcine Gharbi, Mohamed Mejdeddine Kraiem et Amor El-Abed
Lab. des ressources vivantes, Institut National des Sciences et Technologies de la Mer, La Goulette, Tunisie -rafika.bedoui@instm.rnrt.tn 
Résumé
Le lac Ichkeul fait partie d’un Parc National situé entre une chaîne de montagne et la méditerranée. Il est ainsi alimenté en eau douce en
période pluvieuse alors qu’en été, il reçoit les eaux marines. Cette alternance saisonnière le soumet à une succession de séquences écolo-
giques antagonistes : phase oligohaline et phase eury à hyperhaline. Elle lui confère ainsi une originalité écologique. Le lac est fréquenté
par une avifaune importante et une ichthyofaune diversifiée d’origine marine et potamique. Cependant, la production annuelle ichthyque
(1987-1998) accuse une baisse qui pourrait être attribuée  à l’action des facteurs saisonniers du milieu, essentiellement par les aménage-
ments hydrauliques : les barrages édifiés sur les oueds en amont et l’écluse sur l’oued Tinja en aval, et par la surexploitation des ressources.
Mots clés :  Ecosystem, Lagoon, Fisheries, Eastern Mediterranean
Fig.1- Localisation du lac Ichkeul (— oued,              marais) échelle :
Tableau 1 – Comparaison du poids des poissons dans le lac Ichkeul et
les autres milieux aquatiques 
Tableau 1 – Comparaison du poids des poissons dans le lac Ichkeul et
les autres milieux aquatiques