Rapp. Comm. int. Mer Médit., 36,2001
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Introduction
Le macrozoobenthos du port de Jijel est très mal connu, seule une étude
ponctuelle (juillet 1986) portant sur une surface de 4 m_ a été réalisée par
Bakalem (Comm. pers.). Une prospection dans le cadre du programme
“Bio-surveillance et Bio-indicateurs des milieux perturbés d’Algérie” est
entreprise en juin 1997 pour l’estimation du dommage global occasionné à
ce compartiment à travers les peuplements macrozoobenthiques qui se sont
révélés encore une fois d’excellents bio-indices structuraux (1, 2, 3, 4).
Matériels et méthodes
Pour ce faire, 10 stations (3-15 m) sont prospectées en juillet 1998 à
bords du N/O M.S. Benyahia. Un traitement classique est réalisé à bord
(tamisage, conservation) et au laboratoire (tri, identification, pesé...). Pour
la caractérisation de la macrofaune, il est fait appel à des descripteurs
numériques (abondance, densité, dominance, indice biologique, fréquence)
et à l’indice de Shannon et Weaver (H), l’indice d’équitabilité (E). Une
analyse multivariée (ACP) est tentée afin de dégager les grandes tendances
de cette organisation macrozoobenthique.
Résultats
Les eaux de fond du port de Jijel présentent une forte homogénéité ther-
mique et haline, soit des marges de ?uctuation très faibles (0.75 °C et 0.63
psu). La température et la salinité moyennes sont toutefois conformes à
celles des milieux portuaires d’Algérie au début-été (25.26 °C ± 0.28 et
34.79 psu ± 0.26). Du point de vue oxygénation, le port de Jijel ne semble
paradoxalement pas diminué (6.78 mg/l ± 1.24).
109 espèces réparties entre 47 familles et 91 genres sont inventoriées.
Cette richesse est essentiellement constituée de Polychètes (46 espèces,
42.2 %), de Crustacés (26 espèces) et de Mollusques (21 espèces). Ces
trois groupes fournissent 85.32 % de la richesse totale. Les Echinodermes,
les Oligochètes, les Enteropneustes, les Nemertes, les Sipunculidiens inter-
viennent accessoirement dans la régulation qualitative de la structure
macrozoobenthique. Les Cirratulidae Audouinia tentaculataet Chaetozone
setosa, les Capitellidae Heteromastus filiformiset Capitella capitata, le
Corbulidae Corbula gibba, le Scrobicularidae Abra alba et le Nereidae
Nereis caudata, toutes des espèces tolérant de fortes charges polluantes
notamment organiques, contribuent fortement tant du point de vue numé-
rique que pondéral à structurer la macrofaune du port. Ce sont pour la
majorité des espèces de vases enrichies en matières organiques. La struc-
ture trophique présente une tendance à la monotonie, avec une prépondé-
rance des déposivores de surface (DS). Cette prépondérance des DS est
moins prononcée quantitativement, avec des contributions moyennes res-
pectives de 30.28, 29.28 et 26.58 % pour les DS, les SDS (suspensivores-
déposivores de surface) et les S (suspensivores). La projection des vecteurs
espèces sur les deux premiers axes factoriels (ACP), cumulant près de
43% de la variance totale, dégage quatre entités faunistiques (Fig.1).
Fig.1: Analyse en composantes principales sur les plans des axes fac-
toriels I et II.
G
roupe I : Il regroupe 17 espèces : Capitella capitatatype 1, C
h
a
e
t
o
z
o
n
e
setosa, Corbula gibba, Nuculana pella, Heteromastus filiformis, T
h
a
r
y
x
marioni, T. hetero
chaeta, Lumbrineris latreilli, L. impatiens, Audouinia ten-
taculata, Glycera capitata, Pa
raonis paucibra
n
chiata, A
m
p
h
a
rete grubei,
Capitomastus minimus, Amphicteis gunneri, Owenia fusiformiset C
h
o
n
e
fil
i
c
a
u
d
a
t
a. Une très forte tendance aux vasicoles indicatrices de perturba-
tion (Ipert.) et aux déposivores de surface et les déposivores de sub-surfa
c
e
(DSS) se dessine au sein du groupe I. Ce sont pour la majorité des espèces
caractéristiques des milieux portuaires algérien en période estivale (4, 5, 6).
Groupe II :Il se compose de 5 espèces à tendance sabulicoles : Tellina
pulchella, Nereis caudata, Eusyllis assimilis, Mystides limbata et Chone
duneri.
Groupe III :Clymene praetermissa, Glycera convoluta, Corophium ache-
rusicumet C volutatorcomposent le groupe III.
Groupe IV : Ce groupe comprend Dosinia lupinus, Iphinoë tenella,
I.inermis, Nucula nucleus, Abra alba, Parvicardium exiguum, Phtisica
marinaet Dexamine spinosa.Aucune tendance précise ne se dessine au
sein de ce groupe, si ce n’est celle aux Amphipodes et aux Bivalves.
Evolution de la macrofaune entre juillet 1986 et juin 1997
L’évolution de cette macrofaune depuis les travaux de Bakalem (comm.
pers.) révèle une très forte stabilité entre les deux situations. Les groupes
systématiques, biocénotiques et trophiques structurants sont, à quelques
nuances près, les mêmes. Cette stabilité est surtout perceptible dans la
contribution des espèces indicatrices de perturbation du milieu. Bakalem
signale en 1986 quatre espèces principales: Pseudoleiocapitella fauveli,
Lumbrineris gracilis, Chaetozone setosaet Corbula gibbapour la zone
avant port et Lumbrineris gracilis, Tharyx marioni, Chaetozone setosaet
Corbula gibbapour les fonds de darse. Sur l’ensemble des fonds prospec-
tés en 1997, deux de ces espèces (Chaetozone setosaet Corbula gibba)
figurent parmi les espèces préférentielles. La structure trophique montre
une inversion, d’une prépondérance S-DS en 1986 , elle passe à une impor-
tance des DS-SDS en 1997. Les autres éléments de cette évolution sont
l’augmentation conséquente de la densité (de 523-885 ind./m
2
en 1986 à
524-9192 ind./m
2
en 1997), voire de la biomasse moyenne alors que les
équilibres numériques entre espèces sont restés globalement dans les
mêmes proportions. En effet, les indices H et E ?uctuaient entre 3.3-3.5 et
0.71-0.8 en 1986, alors qu’en 1997, ils se situent dans les intervalles res-
pectifs de 1.3-4.05 et 0.27-0.81.
Discussion
La macrofaune du port de Jijel présente l’image type d’un peuplement
portuaire, confiné, fortement perturbé et dominée par les indicatrices de
pollution. La distribution topographique des espèces sur les fonds meubles
prospectés au port de Jijel rappelle le modèle en mosaïque, mis en éviden-
ce au port d’Oran en situation estivale (4). Ce type de schéma traduit une
distribution des peuplements en l’absence d’un axe d’écoulement privilé-
gié de la pollution, avec plutôt un chevauchement de peuplements lié à plu-
sieurs sources de pollution (4, 5).
Références
1- Warwick R.M., Howard M.P., Clarke K.R., Agard J., Cobin J., 1990.
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turbance in Hamilton Harbour, Bermuda. J. Exp. Mar. Biol. Ecol., 138 : 119-
142.
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4- Grimes S., 1998. La pollution en milieu portuaire : approche de la pollution
industrielle et domestique à travers la distribution du benthos du port d’Oran
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5- Grimes S., 1998 . Modèles de distributions des peuplements macro-zooben-
thiques des fonds meubles des ports algériens. IAEA-SM-354: 144.
6- Grimes S., 1998 . Fluctuations numériques des espèces leaders au sein de la
macrofaune benthique des ports algériens. IAEA-SM-354 : 145.
MACROZOOBENTHOS D’UN MILIEU PORTUAIRE PERTURBE : LE PORT DE JIJEL (EST ALGERIEN)
Grimes S*. et Gueraini C.
Laboratoire des Ecosystèmes Benthiques, ISMAL, Sidi-Fredj, Alger,Algérie
Résumé
L’analyse de la macrofaune benthique du port de Jijel (Est algérien) est entreprise dans le but d’identifier les grandes lignes de sa
structuration en relation avec les conditions de confinement particulièrement prononcées dans ce port. Ce port, se révèle, à l’image des
principaux ports d’Algérie, fortement pollué et abritant une macrofaune pauvre, oligospécifique par endroits, très dense, déstructurée et en
déséquilibre numérique, s’ajoute à cela la monotonie, zoologique, biocénotique et trophique.
Mots clés : Bio-indicateurs, Pollution, Zoobenthos, Western Mediterranean
