Rapp. Comm. int. Mer Médit., 36,2001
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La littérature qui traite de la systématique du genre Mytilus est
abondante et peut être scindée en deux catégories d’après l’historique
et la nature des critères utilisés. Les premiers travaux avaient pour
objet d’établir une clé de détermination sur la base des caractères mor-
phométriques de la coquille et ont montré leur limite à différencier les
taxons de ce groupe notammentM. eduliset M. galloprovincialis. Les
plus utilisés à cet effet sont la forme de la coquille, la forme de l’em-
preinte du muscle adducteur antérieur et le nombre de dents cardi-
nales. La majorité des auteurs reconnaissent que la coquille est sujet-
te à de fortes variations en fonction des facteurs du milieu (1, 2), ce qui
rend délicat la détermination des individus sur la base de la morpho-
métrie. Laquelle peut constituer une source d’erreur, de confusion et
de controverse. En revanche, la génétique notamment grâce aux don-
nées d’électrophorèse constitue un outil performant dans la diagnose
des taxons de ce groupe. Ce qui explique sa large utilisation à cet effet
dans plusieurs régions du monde. Ainsi, Koehn et coll. (3) ont mis en
évidence l’existence deM. eduliset de M. trossulussur la côte paci-
fique de l’Amérique du Nord. En Angleterre, Skibinski et coll. (4) ont
pu décrire la présence des deux taxons M. eduliset M. galloprovin-
cialissur les côtes britanniques. D’autres travaux plus récents ont per-
mis de préciser le statut taxinomique des populations du genre Mytilus
dans d’autres régions du monde notamment la présence exclusive de
M. galloprovincialisen Méditerranée française et la présence simulta-
née de M. eduliset de M. galloprovincialissur le littoral atlantique de
France (5) et la présence de M. galloprovincialis sur les côtes atlan-
tique et méditerranéenne de la péninsule ibérique (6). L’identification
se fait toujours 1) en utilisant un échantillon témoin dont la détermi-
nation est préalablement établie d’après les travaux pionniers précé-
demment cités et servant de référence ; et 2) en analysant des locus
dont la valeur diagnostique est déjà connue, ces locus sont MPI, ODH,
EST-D, PGI et LAP.
Sur les côtes marocaines, là où les gisements naturels du genre
Mytilussont à la fois abondants et denses, la situation est restée confu-
se. Les seules informations disponibles émanent de simples observa-
tions de terrain ou de l’examen sommaire de quelques caractères mor-
phologiques sur peu d’individus. Ces informations sont insuffisantes
dans la mesure où de larges zones côtières n’ont pas été prospectées,
incertaines voire même contradictoires parfois quant au statut taxino-
mique attribué. Dans le but de connaître le statut taxinomique des
populations marocaines, onze stations ont été échantillonnées (Fig. 1).
Il s’agit de Nador, Cabo Negro et Ksar-Sghir en Méditerranée, et
d’Asilah, Guy-ville, A 
r, Essaouira, Taghazout, Mirhleft,
Tantan et Dakhla en Atlantique. Les échantillons prélevés (50 à 60
individus par station) ont été comparés à un échantillon témoin prove-
nant de Sète (Méditerranée française) représentant le taxon M. gallo-
provincialis par électrophorèse des protéines enzymatiques à plusieurs
locus dont ceux connus pour être totalement ou partiellement dia-
gnostiques.
Résultats et discussion
Les résultats préliminaires obtenus notamment par l’analyse des
locus diagnostiques montrent qu’au Maroc, aussi bien en
Méditerranée qu’en Atlantique seul le taxon M. galloprovincialisexis-
te. En effet, au niveau des deux locus hautement diagnostiques MPI et
ODH, les échantillons marocains présentent les mêmes allèles que
l’échantillon témoin. D’après ces mêmes résultats, la distribution géo-
graphique du genre Mytilus en Afrique du Nord s’étend jusqu’au sud
de Dakhla (Sahara marocain) et se poursuit vraisemblablement sur les
territoires mauritaniens. Ce qui confirme d’ailleurs les résultats de
Daguin et Borsa (7) obtenus sur des échantillons de ces régions mais
en utilisant le polymorphisme à un marqueur d’ADN nucléaire révélé
par la PCR : le locus mac-1. Ces auteurs établissent clairement la pré-
sence de Mytilus galloprovincialisdans la région de Cansado en
Mauritanie.
Les valeurs de distance génétique obtenues d’après l’indice de Nei
(1978) entre les populations atlantiques et méditerranéennes sont dans
l’ensemble faibles, traduisant un faible taux de différentiation géné-
tique interpopulationnelle et témoignent selon toute vraisemblance-
d’une mise en place récente de ces peuplements (au cours du plio-qua-
ternaire) et de l’existence d’un important niveau de ?ux génique
homogénéisateur sous le contrôle exclusif de la phase larvaire péla-
gique. En effet, les déplacements larvaires peuvent être parfois de
grande ampleur en particulier sous l’action des courants marins.
Références
1 - Lubet  P., 1973. Exposé synoptique des données biologiques sur la moule
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n°88, FAO Rome : 43 p.
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lis.J. Mar. Biol. Ass.Uk., 48 : 561-584.
3 - Koehn R. K., Milkman R. and Mitton J.B. 1976. Population genetics of
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4 - SkibinskiI D.O.F., Cross T.F. an Ahmad M. 1980. Electrophoretic investi-
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Mytilus edulis and Mytilus galloprovincialis in the british isles.Biological
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5 - Coustau C., Combes C., Maillard C., Renaud F. and  Delay B. ,1990.
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LES POPULATIONS DU GENRE MYTILUS AU MAROC : 
STATUT TAXINOMIQUE ET RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE
Hassane Jaziri* et Touria Benazzou 
Laboratoire de Zoologie, Faculté des Sciences, Agdal-Rabat, Maroc - hassanjaziri@hotmail.com
Résumé
Au Maroc, la systématique du genre Mytilus est restée confuse et incertaine en raison de l’utilisation des caractères morphométriques peu
fiables. Dans le présent travail, l’utilisation des marqueurs allozymiques montre clairement la présence exclusive du taxon Mytilus
galloprovincialisaussi bien en Méditerranée qu’en Atlantique et révèle également que sa distribution géographique s’étend jusqu’à une
limite méridionale qui englobe l’ensemble des côtes du Sahara marocain. Les faibles valeurs de distance génétique obtenues re?ètent un
?ux génique important entre les populations atlantiques et méditerranéennes et probablement aussi une mise en place récente du
peuplement de Mytilus galloprovincialisle long des côtes marocaines.
Mots clés : Mytilus. Electrophorèse. Méditerranée.Atlantique. Systématique
Fig. 1. Localisation des sites
d’échantillonnage des
populations du genre Mytilus
des côtes atlantique et